Les probiotiques, une nouvelle stratégie pour protéger notre santé?
Les probiotiques sont de plus en plus présents dans notre vie quotidienne sous forme d’aliments fonctionnels ou de compléments alimentaires. Marketing ou réalité scientifique pour protéger notre santé?
Par Jean-Charles Bastard, pharmacien
Selon une croyance populaire, les «microbes» sont néfastes pour notre santé. Cette idée est alimentée par une abondance d’informations sur les bactéries pathogènes, les levures et les virus auxquels nous associons des pathologies et un risque de mortalité. Mais un nombre croissant de recherches scientifiques ont mis en évidence que certains autres microbes, appelés probiotiques, peuvent contribuer à la santé humaine.
Le concept des probiotiques est né à partir des observations faites au début du XXe siècle par l’immunologiste et Prix Nobel russe Elie Metchnikoff qui a émis l’hypothèse que la longue durée de vie des paysans bulgares s’expliquait par leur consommation de yaourts contenant des bactéries nécessaires à la fermentation : Lactobacillus bulgaricus (bacille bulgare comme on l’appelait alors) et Streptococcus thermophilus. Dans son livre, publié en 1907, Elie Metchnikoff affirma que les gens pouvaient ajouter 120 à 130 ans à leur espérance de vie en modifiant leur flore intestinale et en remplaçant les bactéries nuisibles par les bactéries utiles au niveau de l’intestin !
Le terme « probiotique » dérive du grec et signifie « pour la vie ». Sa définition a évolué au fil du temps. On retiendra celle de l’Organisation mondiale de la santé qui dit que « les probiotiques sont des microorganismes vivants (la plupart du temps des bactéries) qui, administrés en quantité adéquate, confèrent un avantage pour la santé de l’hôte ». On parle également de « bactéries amies » ou de « bonnes bactéries » qu’on trouve au niveau de la flore intestinale. Les probiotiques sont à la disposition des consommateurs sous forme de compléments alimentaires ou d’aliments fonctionnels.
Des bactériespar milliards
La flore intestinale est l’ancienne dénomination poétique d’une réalité appelée aujourd’hui le microbiote intestinal. Il représente l’ensemble des bactéries peuplant notre système digestif. On estime que l’intestin humain est composé de plus de 400 espèces différentes de bactéries et environ cent mille milliards de bactéries, ce qui représente plus de dix fois le nombre de cellules composant le corps humain. Ces bactéries intestinales représentent une masse de 1 à 2 kg. Il est largement démontré que la flore intestinale joue un rôle majeur au niveau du système digestif en dégradant des composés nutritionnels pour lesquels notre corps n’a pas de capacité digestive. Les processus microbiens de dégradation et de fermentation de ces composés génèrent ainsi la production d’une diversité de métabolites parmi lesquels les acides gras à chaîne courte. L’ensemble de ces réactions de fermentation permet aux bactéries d’obtenir l’énergie nécessaire à leur croissance et au maintien de leurs fonctions cellulaires.
Les activités des bactéries intestinales sont, de plus, très importantes pour l’hôte puisque les métabolites formés sont, pour la plupart, absorbés et utilisés dans l’organisme. Les bactéries intestinales jouent également un rôle dans la synthèse des vitamines et dans l’absorption du calcium, du magnésium et du fer. Le microbiote intestinal joue donc un rôle majeur dans la nutrition de l’individu.
Une nouvelle voie pour traiter et prévenir?
Des travaux de recherches récents ont mis également en évidence l’importance des bactéries intestinales sur la santé de l’individu. Les bactéries de la flore intestinale n’agissent pas seulement au niveau du système digestif, mais également sur la santé globale. C’est la raison pour laquelle les probiotiques font aujourd’hui l’objet de travaux de recherche dans la prévention et le traitement de certaines affections comme les infections vaginales et urinaires, les allergies alimentaires mais également pour stimuler l’immunité. Les applications actuelles ou futures sont multiples pour le traitement et la prévention des maladies.
Les probiotiques pour combattre l’obésité?
Il est largement admis que l’obésité est la résultante d’un déséquilibre entre les apports énergétiques et la dépense énergétique. En d’autres termes, le surpoids est la conséquence d’une alimentation trop riche en calories, trop grasse et trop sucrée, associée à un manque d’activité physique. Néanmoins, depuis la publication en 2006, dans la revue Nature, des travaux des Américains Peter Turnbaug et Jeffrey Gordon, la composition de la flore intestinale pourrait être la troisième cause impliquée dans l’excès de poids. Ils ont mis en évidence une différence probante entre la composition de la flore intestinale des personnes obèses et minces.
Parmi 70 familles, deux prédominent au niveau de l’intestin humain : les bactéroïdes et les firmicutes. Ceux-ci prédominent chez les obèses contrairement aux personnes minces qui présentent une proportion plus importante de bactéroïdes. Les chercheurs ont démontré que les firmicutes permettent une extraction plus efficace des nutriments et des calories pour la même quantité d’aliments ingérés. Une nouvelle étude publiée en novembre 2009 a démontré, chez des souris, que l’introduction de la flore intestinale de souris obèses chez des souris minces engendre une prise de poids malgré une alimentation pauvre en graisse et en sucre! Cette expérience prouve l’impact des bactéries intestinales sur la prise de poids. Ceci ouvre la voie, dans un avenir plus ou moins proche, à de nouvelles stratégies thérapeutiques contre l’obésité et le surpoids en modifiant la composition de la flore bactérienne avec une supplémentation alimentaire de probiotiques adéquate.
Les bienfaits des probiotiques
Des avantages avérés
- La prévention et le traitement des diarrhées aiguës et gastroentérites à rotavirus
- La prévention et le traitement des diarrhées associées aux antibiotiques
- Les allergies alimentaires et l’eczéma atopique
- Traiter et prévenir les infections à Clostridium difficiles
- Prévenir les infections respiratoires aiguës
- Traiter et prévenir la vaginite
- Prévenir la diarrhée du voyageur
Les recherches en cours dans des domaines prometteurs
- La maladie de Crohn et la colite ulcéreuse (rectocolite hémorragique)
- Prévenir les conditions allergiques comme par exemple l’asthme
- La fibrose kystique
- Prévenir les caries dentaires chez les enfants
- Soulager la constipation
- Traiter le syndrome du côlon irritable
- lmmunoadjuvants pour potentialiser les vaccins
- Infections à Helicobacter pylori
- Gestion du poids
Futurs domaines de recherche
- Prévenir le cancer du côlon
- Traiter le cancer de la vessie
- Polyarthrite rhumatoïde
- Les maladies sexuellement transmissibles et le VIH
- Souches génétiquement modifiées pour insérer des gènes qui produisent des vitamines, de l’insuline…