Les particularités du tabagisme au féminin
Jusqu’au début des années 70, les femmes fumaient peu parce que ça faisait mauvais genre. Puis, émancipation féminine oblige, elles se sont mises à la cigarette en masse. On en mesure les conséquences aujourd’hui : les décès féminins prématurés causés par le tabagisme sont en constante augmentation.
Par Patricia Bernheim, avec stop-tabac.ch
Jusqu’au début des années 80, les morts dues au tabac sont exclusivement masculins puisque fumer est l’apanage des hommes. Vingt ans plus tard, la tendance s’est inversée. La proportion des décès féminins prématurés due au tabac (cancer du poumon ou maladies cardio-vasculaires) ne cesse de s’accroître. La raison en est simple : les problèmes graves de santé n’apparaissant généralement qu’après 20 ou 30 ans de tabagisme.
En Suisse, la proportion d’adolescentes et de jeunes femmes fumeuses a explosé au cours des dernières années au point que les filles sont désormais plus nombreuses à fumer que les garçons. Environ 27% des femmes fument régulièrement et 28% des filles âgées de 16 ans fument au moins une fois par semaine, contre 23% des garçons.
La conséquence, c’est que l’on s’attend à une forte augmentation de la mortalité féminine au cours des prochaines années, due notamment au cancer du poumon et aux maladies cardio-vasculaires. Parmi les causes de ces maladies, on trouve l’âge, le tabagisme, l'alimentation, la sédentarité, l’hypertension et le diabète sucré.
Cancers spécifiques
Chez les femmes, le tabagisme augmente non seulement les risques de développer un cancer du poumon, mais aussi d’autres types de cancer. Ainsi, le risque de cancer du col de l'utérus est deux fois plus élevé chez les fumeuses que chez les non-fumeuses. Ce cancer est avant tout causé par la présence du papilloma virus (HPV) et le tabac agit comme facteur favorisant. Les études montrent que 34% des femmes chez qui un cancer du col de l'utérus est diagnostiqué aujourd'hui seront décédées dans 5 ans. Par ailleurs, le risque de cancer du sein est deux fois plus élevé chez les femmes qui fument avant d'être ménopausées.
Enfin, la toux et une bronchite chronique sont souvent le lot des fumeuses, avec le risque de développer des infections pulmonaires, voire un emphysème pulmonaire, ce qui signifie une destruction partielle et irréversible du poumon à moyen terme.
Tabac et hormones
La particularité des fumeuses est de manquer… d’hormones féminines. Le tabagisme entraîne en effet une diminution de la sécrétion d'œstrogènes et agit par ailleurs sur le foie en causant une accélération de la destruction de ces hormones. Conséquences : elles souffrent plus souvent de troubles du cycle menstruel (cycle irrégulier ou douleurs). Le manque d'œstrogènes a également des effets négatifs sur les seins, l'utérus et le fœtus. En outre, cette action hormonale de la fumée peut modifier la voix des fumeuses en la rendant plus basse.
Pilule contraceptive et tabac forment un mélange explosif. Les fumeuses de plus de 35 ans qui prennent la pilule mettent leur santé en danger, puisque cela augmente fortement les risques de thrombose, d’accidents cardiaques ou cérébraux. Ces risques diminuent, mais ne sont pas éliminés, avec les pilules minidosées contenant peu d'œstrogènes. Entre la cigarette et la contraception hormonale, il y a donc un choix à faire.
Enfin, le risque de complications pendant la grossesse est beaucoup plus grand chez les fumeuses qui prenaient la pilule avant d'être enceintes.
Tabac et ménopause
Comme le tabagisme a une influence sur la vie hormonale de la femme, la ménopause n’échappe pas au phénomène. D’une part, elle intervient un à deux ans plus tôt chez les fumeuses que chez les non-fumeuses. De l’autre, les bouffées de chaleur, les troubles de la mémoire et autres sont plus importants. Enfin, le tabagisme chez les femmes ménopausées augmente le risque d'ostéoporose, une maladie qui est à l’origine de douleurs et de fractures notamment au niveau du col du fémur, du poignet et des vertèbres.
Tabac et peau
Fumer est également mauvais pour le teint. Les vaisseaux sanguins qui irriguent la peau restent en effet contractés pendant plusieurs minutes après avoir fumé. Comme la circulation et l’oxygénation du sang sont moins bonnes, la peau est moins bien nourrie. A terme, elle perd de son élasticité, vieillit plus vite et se ride davantage, notamment autour de la bouche. Les vergetures apparaissent également plus facilement.
Tabac et grossesse
Fumer pendant la grossesse est néfaste pour le fœtus. Les conséquences de ce tabagisme passif in utero sont multiples :
- Les fumeuses mettent deux fois plus de temps à devenir enceintes que les non-fumeuses.
- Chez les fumeuses, le risque d'avortement spontané est multiplié par 2.
- Le risque de prématurité est multiplié par 2 si la mère fume. Or, les prématurés ont plus de risques de développer des complications que les bébés nés à terme.
- Pour chaque cigarette quotidienne fumée pendant la grossesse, le poids du fœtus diminue de 15 grammes. En moyenne, les enfants nés de fumeuses pèsent 200 grammes de moins que les enfants nés de non-fumeuses. Le risque de donner naissance à un enfant taille " XS ", pesant moins de 2,5 kg, est deux fois plus élevé chez les fumeuses. Un faible poids à la naissance expose le nouveau-né à des complications.
- Le risque de mort subite du nourrisson est multiplié par 3 si la mère fume pendant la grossesse ou après la naissance.
- Les fumeuses ont moins de lait que les mamans non-fumeuses (environ un quart).
Principal frein : la peur des kilos
Chez les femmes, le principal argument pour ne pas arrêter de fumer est la peur de grossir. Or, on peut très bien en finir avec la cigarette sans prendre des kilos.
Le principal responsable de la prise de poids lors de l’arrêt du tabagisme, c’est la nicotine qui a un effet coupe-faim. Au moment du sevrage, on mange un peu plus (200 ou 300 calories supplémentaires par jour), voire beaucoup plus si on compense par quantité de douceurs hautement caloriques. A cela s’ajoute que la nicotine freine le stockage des graisses et augmente artificiellement les dépenses en énergie. Une grande fumeuse brûle ainsi environ 200 calories (un croissant et demi) de plus par jour qu'une non-fumeuse.
Pourtant, grossir au moment où l’on s’affranchit du tabac n’est pas inéluctable. Ainsi, un tiers des ex-fumeuses n'ont pas pris un gramme après avoir arrêté de fumer ! Mais il n’y a pas de miracle : une stratégie anti-kilos en 4 points est indispensable pour limiter fortement la prise de poids.
Privilégier les légumes, les fruits et les protéines dans son alimentation, freiner les sucreries et les graisses. Ne pas hésiter à consulter une diététicienne mais en aucun cas s’astreindre à un régime basé sur des privations.
Bouger. Les fumeurs sédentaires sont ceux qui prennent le plus de poids lors de l'arrêt du tabac. L’équivalent d’une demi-heure d’activité physique, même par tranches de 10 minutes, permet de brûler 1000 calories supplémentaires par semaine. Monter les escaliers, promener son chien, jardiner, marcher d’un bon pas, faire les vitres, jouer avec les enfants : les occupations les plus anodines influencent positivement l’organisme, à condition de les répéter chaque jour.
Les substituts nicotiniques (patch, gomme et bupropion) permettent de différer le problème grâce à leur apport en nicotine. La prise de poids, si elle doit avoir lieu, ne se fera qu'à la fin du traitement, soit environ 3 mois après l'arrêt du tabac. On ne s’occupe ainsi que d’un problème à la fois: d'abord le tabac, puis l’éventuelle prise de poids.
Se répéter, comme un mantra, que lâcher la cigarette, c’est gagner sur toute la ligne. D’abord sur le plan de notre santé, évidemment. Mais en mettant fin à cette dépendance, on a aussi retrouvé la liberté, un joli teint et une haleine fraîche, des cheveux et des habits qui n’empestent plus la fumée froide, des doigts et des dents sans tâches jaunes. Et quand notre douce moitié nous embrasse, on n’a plus en tête ce terrible slogan de la lutte anti-tabac britannique : « embrasser un fumeur, c’est comme lécher un cendrier ». Face à cela, que valent un ou deux kilos de plus ?
Pour en savoir plus
« Et si c’était mieux sans ? », une brochure à télécharger gratuitement sur www.stop-tabac.ch